Enfileuse de perles

Histoire d’un métier :

Enfileuse de perles

La plus ancienne perle fine découverte sur un squelette dans une nécropole d’un site archéologique des Emirats arabes unis date de 5 500 ans (article CNRS  qui accrédite cette découverte : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/2659.htm?debut=17&theme1=8).

Depuis les temps les plus reculés de l’histoire de l’humanité, l’homme se pare. Symbole de puissance et de richesse, objet de séduction et de protection, le bijou est présent à toutes les étapes de la vie, dans toutes les civilisations. Dans tous les pays, les musées archéologiques recèlent des trésors de perles, trouvées dans des sépultures. Os de mammouth, coquillages percés, pierres taillées, l’homme préhistorique a trouvé dans la nature environnante de quoi se parer.

Dans les tombes étrusques et phéniciennes on a trouvé des amulettes en ambre que Pénélope, nous dit Homère, portait en collier. Les bijoux en or, inaltérable, avaient pour mission de défier la mort.

Que les perles soient en os, en terre, en verre, en ivoire ou en or, il a bien fallu une petite main pour les enfiler et en faire un collier, même dans les cavernes !

Cléopâtre, Catherine de Médicis, Elisabeth 1ère d’ Angleterre, grandes amatrices de perles, ont dû faire travailler nombre d’enfileuses de perles, métier courant à l’époque.

Furetière, en 1690, donne des explications sur l’expression « enfiler des perles », associée à « futiles besognes, choses insignifiantes, d’aucune utilité ».

Un peu d’histoire : « On dit proverbialement qu’on n’est pas venu pour enfiler des perles, pour dire qu’on n’est pas venu pour ne rien faire, ou pour faire peu de choses. » Furetière, 1690.

Précision de l’Académie, 1878 : « s’amuser à des bagatelles, perdre son temps à des choses frivoles, inutiles … ».

L’expression, ancienne, fait peut-être référence à l’action de passer entre ses doigts les perles de son chapelet, occupation de peu d’utilité pour certains, alors qu’il vaudrait mieux agir.

Mais il s’agit bien d’un métier d’art, reconnu, enseigné, faisant appel à un réel savoir-faire, demandant beaucoup d’habileté et de minutie, d’expérience et d’honnêteté. En effet, la personne en charge de ce travail se voit confier des pièces de grande valeur.

On retient le nom d’un joaillier célèbre, d’une marque renommée qui en fait commerce place Vendôme à Paris,  du créateur réputé qui a sous-traité sa création, d’une actrice qui a dépensé des fortunes en perles, mais la petite main experte qui a enfilé ces perles avec le plus grand soin reste anonyme …

Voilà pourquoi je lui rends hommage en faisant l’éloge de ce métier au fil (de soie) du temps, et que j’aime à dire, malicieusement, que je pratique l’un des plus vieux métiers du monde !

« On nous citait une femme gagnant une très grosse somme par jour, avec le talent qu’elle a seule d’enfiler un collier de perles : c’est-à-dire d’assembler les perles, de les faire valoir l’une par l’autre, de les harmoniser, de chercher pour ainsi dire leurs accords, sur des espèces de registres de musique en ébène. L’arrangement d’un collier, qu’elle cherche souvent toute une journée,  lui est payé de 60 à 80 francs. » Journal des Goncourt 1867.

Source : « Le grand livre des bijoux » Ernst et Jeanne Heiniger  éditions Lazarus  1974